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Traumatisme crânien sévère

Le traumatisme crânien sévère est le nom classiquement donné au traumatisme crânien grave ; il l’est par sa présentation initiale, la fréquence de la mise en jeu du pronostic vital et par celle des séquelles induites.

Epidémiologie

Sur 150.000 traumas crâniens qui se présentent chaque année en France aux urgences des hôpitaux seuls 10.000 environ sont étiquetés sévères. Les plus graves (30%) décèdent de leurs blessures dans les suites plus ou moins proches de l’accident. 7000 environ représentent donc les cérébrolésés sévères survivants qui pour beaucoup auront des séquelles d’importance variable même s’il y a toujours des exceptions. La cause la plus habituelle du TC sévère est représentée en France par les accidents de la circulation ce qui explique l’importance de la population de sujets jeunes parmi ces traumatisés avec une nette prédominance masculine dont on connait la tendance naturelle aux prises de risque. Bien que le nombre des TC sévères soit en baisse régulière la prévention routière a encore beaucoup à faire pour éradiquer ce grave problème de santé publique. D’autres causes sont bien sûr possibles : chutes et accidents du travail en particulier.

Définition du traumatisme crânien sévère

En théorie ce terme est réservé aux blessés qui se présentent à l’hôpital avec un tableau de gravité évaluable sur une échelle d’altération de la conscience estimée entre 8 et 3 . Cette échelle est appelée GCS (pour Glasgow Coma Score) ou plus couramment encore « échelle de Glasgow « . Elle comprend un certain nombre d’items qui sont notés par les médecins urgentistes et les réanimateurs leur permettant un classement chiffré de l’altération de l’état de conscience du blessé lors de l’examen initial.

Cette cotation entre 3 et 8 pour les TC sévères correspond « grosso-modo » aux blessés arrivant en coma débutant pour le chiffre 8, jusqu’au coma profond (chiffre 3) . Par comparaison un état de conscience normale est coté 15.

Ce GCS universellement utilisé par les médecins en raison de sa relative simplicité et de sa fiabilité n’a néanmoins de valeur que s’il est pratiqué au bon moment de la prise en charge du blessé ; il faut notamment que les troubles cardiovasculaires et /ou ventilatoires aient été corrigés ; que le blessé ne soit pas ou plus sédaté (cad calmé par des médicaments) et non ventilé artificiellement au moment de l’examen ; or ces conditions ne sont pas toujours réunies à l’admission de ces blessés graves ; dans ces conditions le GCS devra être évalué plus tardivement ; il pourra aussi servir de suivi dans les premiers jours de l’évolution pour dépister une aggravation ou une amélioration. Le GCS représente surtout un facteur de surveillance; d’autres éléments d’analyse (période d’amnésie post-traumatique par exemple) seront nécessaires dans les suite de l’accident pour valider ce critère de gravité.

L’amnésie post-traumatique mesure le temps de la perte de mémoire entre l’accident et le moment où le traumatisé récupère la mémoire non de l’accident et de ses suites (qu’il ne récupèrera pas) mais de ce qui se passe au jour le jour . C’est un critère important de pronostic. Plus ce temps est court mieux c’est.

Prise en charge des traumatisés crâniens sévères

C’est pratiquement toujours une prise en charge pluri-disciplinaire assurée dans un service de réanimation ; idéalement tous ces blessés graves devraient pouvoir être admis dans un service spécialisé avec notamment la proximité d’un service de neuro-chirurgie au cas où un acte neuro-chirurgical s’imposerait à un moment ou un autre. Un maillage territorial aussi spécialisé et suffisamment dense est en fait impossible sur le plan pratique ; les services de neuro-chirurgie ne sont présents que dans les grandes villes universitaires ou dans quelques villes importantes. Les services de réanimation polyvalente sont néanmoins très bien distribués sur tout le territoire et l’accès à l’examen princeps qu’est le scanner ne pose pas de problème ; ainsi un premier tri est-il parfaitement réalisable dans ces services suivi d’une réanimation sur place par des équipes compétentes ; et il reste toujours possible de transférer dans un service de CHU un patient posant des problèmes particuliers ou nécessitant un recours neuro-chirurgical.

Les lésions en cause dans le traumatisme crânien sévère

Elles sont souvent multiples mais il faut distinguer les lésions focales et les lésions diffuses.

Les lésions focales

ce sont des lésions en foyer plus ou moins bien limitées souvent en relation avec le choc direct de la tête ou/et avec un choc indirect dit de contre-coup (qui se produit au pôle opposé de la lésion initiale du fait d’un mouvement en va et vient de l’encéphale dans la boite crânienne). On distingue :

  • les hématomes : extra-duraux (entre crâne et dure-mère), sous-duraux (entre encéphale et dure mère) et intra-cérébraux (à l’intérieur de l’encéphale) : les deux premiers sont souvent de grandes urgences chirurgicales car ils provoquent très vite des compressions intra-crâniennes de haute gravité; ils guérissent cependant souvent sans séquelle s’ils sont isolés (cad sans lésions cérébrales associées) et pris en charge rapidement.
  • les contusions cérébrales ; ce sont des zones traumatisées ou coexistent dilacération tissulaire, extravasation sanguine et œdème ; on met actuellement beaucoup l’accent sur l’œdème périphérique qui entoure ces zones de contusion ; cet œdème est une réaction normale à toute contusion tissulaire mais quand il se développe à l’intérieur de la boite crânienne, par définition inextensible, il crée une compression cérébrale qui aggrave encore les lésions . La lutte contre cet œdème est une priorité pour les réanimateurs.
  • les lésions ouvertes sont plus rares quoique très spectaculaires ; le mécanisme en est très varié : accident de voiture avec « embarrure » perforante de la voûte crânienne ; plaie par armes à feu ou par arme blanche etc…Le traitement initial est évidemment hautement neuro-chirurgical.

Les lésions diffuses

Mises en évidence par les techniques d’imagerie moderne ces lésions diffuses ont longtemps été méconnues et expliquent en grande partie les séquelles que l’on peut rencontrer dans le traumatisme crânien sévère (cf séquelles physiques et séquelles invisibles du traumatisme crânien). Elles peuvent en effet se produire en l’absence de choc direct et sont liées à des micro-déchirures de la substance blanche lors des phénomènes d’accélération ou de décélération brutale. En effet la substance blanche se compose de la majorité des connexions qui font communiquer les neurones entre eux c’est à dire d’ axones entourés de leur gaine de myéline; c’est à leur niveau que se font les déchirures.

Ce phénomène explique la répartition au hasard des localisations des lésions du traumatisme crânien (à l’inverse de l’AVC .cf articles). Elles ne sont pas repérables à la période aigüe du TC car elles nécessitent pour être vues des examens très spécifiques (IRM par tenseur de diffusion) et non utilisables en urgence. Secondairement il est possible de voir certaines d’entre elles mais l’intérêt reste surtout du domaine de la recherche car cela ne peux pas aboutir à des réparations anatomiques en l’état actuel des connaissances.

Certaines de ces lésions diffuses ne sont cependant pas toujours irrémédiables notamment lorsqu’il n’y a pas eu section complète de l’axone mais une simple contusion réversible permettant une cicatrisation sans interruption de la continuité.

Enfin il faut aussi compter sur les capacités qu’a le cerveau à utiliser des régions adjacentes intactes pour compenser des zones définitivement déficitaires et limiter les séquelles.

C’est tout le rôle de la rééducation et de la réadaptation à la phase secondaire.

Parcours du traumatisé crânien sévère

Période de réanimation

C’est la période des soins d’urgence particulièrement stressante pour les familles car le pronostic vital peut rester engagé assez longtemps.

C’est la période des gestes invasifs sont souvent nécessaires :

  • intubation pour ventilation artificielle +++
  • quelquefois trachéotomie quand la ventilation se prolonge
  • pose d’une sonde d’alimentation artificielle
  • pose d’une gastrostomie (sonde d’alimentation posée chirurgicalement) quand l’alimentation artificielle doit être prolongée sur une longue durée.
  • intervention neuro-chirurgicale éventuelle pour évacuer un hématome intra-crânien compressif.
  • intervention urgente pour une ou des lésions extra-crâniennes pouvant être prioritaire dés l’hospitalisation pour traiter une hémorragie grave (ex : opération abdominale pour hémorragie intra-péritonéale) ou une atteinte vitale d’un viscère ; traitement chirurgical d’une fracture ouverte par exemple.
  • intervention neuro-chirurgicale éventuelle pour évacuer un hématome intra-crânien compressif.

Période de réveil et de reprise de la conscience

Lorsque le TC sévère a donné lieu à un coma la période d’éveil est attendue avec beaucoup d’impatience.
En principe l’éveil se produit dans les trois semaines qui suivent l’accident ; mais il peut-être retardé volontairement de la part des médecins qui décident de prolonger la sédation profonde (coma artificiel) au delà de la durée du coma spontané. Il semble en effet que cette sédation profonde protège le cerveau des nombreuses agressions que lui font subir les stimulations nociceptives des phases initiales (douloureuses au sens large du terme, psychologiques comprises). L’éveil peut avoir lieu dans le service de réanimation mais aussi dans un service de rééducation post-réanimation disposant d’une unité d’éveil. Dans le cas du TC grave l’éveil se fait rarement en quelques minutes ; il est souvent prolongé sur quelques jours voire semaines et passe alors par trois phases :

  • phase d’ouverture des yeux
  • phase de prise de conscience de l’environnement
  • phase de reprise de la conscience de soit

L’ouverture des yeux ne signifie donc pas systématiquement reprise de conscience ; dans certains TC très graves cet enchaînement peut même rester bloqué à un bas niveau définissant l’état pauci-relationnel (voir états EVC- EPR). Heureusement, le plus souvent, l’évolution se fera jusqu’à la reprise de la conscience de soi . Cependant cette progression n’est pas toujours linéaire. Des retours en arrière sont possibles. Il y a par ailleurs des éveils calmes, d’autres agités. Dans tous les cas il a été prouvé que la présence des proches était très souhaitable pendant cette période d’éveil et les visites sont encouragées ; comme il est recommandé d’apporter au blessé des éléments de stimulation psychologique (photos de famille, objets favoris etc…). Cependant il ne faut pas non plus le submerger car ses capacités d’attention restent limitées ; une caractéristique du TC grave est la grande fatigabilité ; mais le personnel hospitalier est là pour le rappeler.

Période de rééducation

Celle-ci se déroule si possible dans des services spécialisés dits SMPR (service de médecine physique et de rééducation). Une rééducation efficace ne peut pas être entreprise sans que le blessé ait récupéré une conscience de soi suffisante (même si des soins rééducatifs sont possibles avant et souhaitables pour limiter en particulier les attitudes vicieuses). Les médecins spécialistes de MPR insistent sur les deux phases de cette rééducation :

  • la phase de rééducation acceptée dans laquelle le traumatisé crânien n’a pas vraiment pris conscience de ses incapacités et de ses capacités résiduelles qu’il a plutôt tendance à surestimer.
  • la phase de rééducation investie quand il a récupéré ses repères et qu’il peut s’investir efficacement dans sa rééducation.

Cette période de rééducation va durer jusqu’à ce que le maximum de récupération ait pu être atteint en fonction des séquelles ; pour les TC sévères elle s’étend sur de nombreux mois.

Elle est destinée à combattre aussi bien les déficiences physiques que neuro-psychologiques ou invisibles (voir chapitres « séquelles physiques » , « séquelles invisibles » et « rééducation« ).

Période de réadaptation

Débute quand l’état du blessé est considéré comme stabilisé ; ce qui n’est pas toujours évident à préciser. Elle passe toujours par un travail d’acceptation des séquelles, tant de la part du blessé que de la famille. Son but est d’apprendre au blessé à utiliser ses ressources intactes, voire à les renforcer pour compenser au mieux des séquelles qui sont, maintenant, devenues fixées même si des évolutions à long terme restent quelquefois possibles. (voir réadaptation).

Période de réinsertion

Le blessé s’éloigne du centre de rééducation et va, suivant les cas, rentrer dans sa famille, dans des structures de soutien (maisons ou appartements partagés), ou dans des structures dédiées pour les plus gravement atteints. Ces structures pourront être seulement une étape avant de retrouver une vie plus autonome. Se posera pour certains également le problème d’une reprise d’activité professionnelle : dans l’emploi antérieur, dans un emploi adapté ou en milieu protégé ? Pour d’autres cette reprise d’activité ne pourra être envisagé, le but étant alors la meilleure réinsertion possible dans la vie sociale. Tout ce travail n’est pas laissé à la charge seule du blessé ou de sa famille ; de nombreuses structures médico-sociales, administratives et juridiques œuvrent pour obtenir la meilleure réinsertion possible compte -tenu des séquelles résiduelles (voir réinsertion).

En conclusion

On ne saurait méconnaître la gravité du TC sévère tant en terme de risque vital que de fréquence des séquelles. Néanmoins beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années et continuent de l’être dans tous les domaines (depuis le ramassage des blessés jusqu’à la réinsertion finale). Il faut aussi insister sur l’extrême variabilité de ces séquelles et sur la difficulté de les prévoir précisément à la phase initiale ; celles-ci ne se dégageront que petit à petit au cours de l’évolution des différentes périodes qui d’ailleurs se recouvrent en partie. Il faut également savoir que certains TC continuent de s’améliorer encore de nombreuses années après le stade de consolidation, notamment parmi les adultes jeunes.

Éditorialiste
Dr François PERNOT

Médecin Chirurgie Générale retraité

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