Traumatisme crânien de la personne âgée
La définition d’une personne âgée pose problème : 65 ans pour l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) elle commence souvent en France à 60 ans pour l’administration et en particulier pour les règles de l’indemnisation ; pour les médecins l’âge de 75 ans est en général admis eu égard à l’amélioration considérable de la santé des séniors.
A partir de 65 ans la cause majeure du TC est la chute même si les accidents de la circulation (en voiture et surtout comme piéton pour les plus âgés) restent fréquents et très graves .
Le sujet âgé tombe souvent lourdement sur le côté ayant perdu le réflexe de se protéger avec les mains ; le TC est souvent associé à des fractures, notamment d’ un bras ou d’une épaule ; la chute dans les escaliers en est une variante particulièrement grave.
La chute chez une personne âgée (PA) n’est jamais un incident anodin et même quand elle se termine assez bien elle provoque toujours un traumatisme psychologique avec peur d’anticipation qui peut conduire les plus vulnérables de l’autonomie à la dépendance (sort d’ailleurs inéluctable et rapide pour les « chuteurs à répétition »).
CAUSES DES CHUTES CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
Avant tout la poly-médication : beaucoup de personnes âgées prennent plus de 4 médicaments par jour sans qu’il soit toujours possible de connaitre l’interférence des uns avec les autres, d’autant qu’il existe des sensibilités individuelles; mais il faut insister sur 4 classes particulièrement à risques.
- les psychotropes en premier lieu ; c’est à dire les médicaments qui agissent sur le fonctionnement cérébral : antidépresseurs mais plus encore tranquillisants et somnifères auxquels les PA sont particulièrement sensibles
- les hypotenseurs (ou antihypertenseurs) qui favorisent les hypotensions orthostatiques ; autrement dit les malaises lors du passage de la position couchée ou assise à la position debout surtout quand le changement de position est rapide
- les diurétiques souvent prescrits pour alléger le cœur en augmentant la diurèse et pouvant être à l’origine d’une baisse trop importante de la masse sanguine, de déshydratation ou d’aggravation d’une insuffisance rénale préexistante (qui elle-même peut empêcher l’élimination normale des autres médicaments)
- les médicaments contre le diabète source d’ hypoglycémies et donc de pertes de connaissance
C’est dire le rôle essentiel du médecin traitant pour réguler les prescriptions des médecins spécialistes qui parfois visent surtout les pathologies de leurs spécialités sans toujours tenir compte de la tolérance globale du patient ; c’est une cause importante de poly-médication.
- les maladies neuro-dégénératives qui augmentent avec l’âge : celles qui influent sur l’équilibre et la locomotion (maladie de Parkinson par ex…) ; d’autres sur les fonctions mentales (maladie d’Alzheimer …etc).
- l’isolement social et familial
- une habitation mal adaptée
- etc… liste non limitative
GRAVITÉ DU TC CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
La gravité du TC chez la personne âgée est avérée. Alors que la mortalité tout confondu du TC sévère est environ de 30%, elle est de 70% à 70 ans; puis 75% à 75 ans, 80% à 80 ans, 85% à 85 ans … Par ailleurs les signes de sévérité révélés par l’échelle de Glasgow correspondent souvent à des lésions anatomiques moins étendues que chez l’adulte jeune. C’est dire qu’à lésions anatomiques identiques le pronostic vital est encore plus grave chez le sujet âgé.
Par ailleurs si la PA survit à son TC elle a des risques de passer directement de l’autonomie à la dépendance. Il faut cependant distinguer les personnes âgées à vieillissement physiologique (dépourvues de pathologie grave) aux PA à vieillissement pathologique (atteintes de maladies chroniques plus ou moins invalidantes et poly-médiquées). C’est essentiellement chez ces dernières que se produisent les pertes d’autonomie après des TC quelquefois de faible gravité initiale. À l’inverse pour les autres les séquelles sont assez voisines de celles rencontrées chez l’adulte jeune et justifient de ne pas forcément sélectionner par l’âge les PA à admettre en soins intensifs.
LES LÉSIONS LES PLUS FRÉQUENTES
Si toutes les lésions décrites au chapitre des TC sévères se rencontrent chez la PA (notamment en cas d’accident de la circulation), la cause majoritaire par chute entraîne beaucoup moins de lésions axonales diffuses et plus de lésions focales isolées de type « coup et contre-coup » (voir TC sévères). Parmi celles-ci les plus fréquentes sont les hématomes sous-duraux ; ils sont souvent associés à une contusion cérébrale hémorragique en regard qui en augmente la gravité. La fréquence de ces saignements chez la PA fait souvent accuser les traitements anticoagulants et/ou antiagrégants prescrits au long cours pour de nombreuses pathologies liées à l’âge ; cependant il est actuellement prouvé que ces traitements diminuent notablement la mortalité des pathologies qu’elles couvrent et par conséquent il serait tout à fait déraisonnable de s’en passer quand ils sont nécessaires avec l’idée de prévenir un hypothétique hématome cérébral en cas de chute !
LES CONDITIONS PARTICULIÈRES DE LA PRISE EN CHARGE PRÉCOCE
La difficulté de la prise en charge précoce des TC chez les PA vient à la fois de l’incertitude majeure du pronostic mais aussi du fait que celui-ci est souvent défavorable. En effet décider de faire entrer une PA traumatisée crânienne dans un protocole de soins intensifs est toujours une décision délicate. Entre les cas faciles et opposés (TC sur maladie d’Alzheimer, où l’abstention est de règle, ou au contraire TC chez un sujet de moins de 75 ans en bonne santé préalable) les cas intermédiaires, les plus fréquents, se discutent au cas par cas. Il faut en effet comprendre que le traitement intensif sous-entend une cascade de prise en charge (de la réanimation à la réinsertion) qui doit être supportée par un patient très fragile et dont le résultat peut aboutir à un état de dépendance sévère, puis à une hospitalisation en unité de soins de suite, voire à un décès après d’inutiles souffrances. Mais chez les sujets les plus résistants de bons résultats sont également tout à fait possibles …. C’est pourquoi il est souvent utile de recourir à l’avis d’un gériatre, qui saura le mieux apprécier les potentialités de la PA traumatisée avant de décider ou non d’une prise en charge intensive.
Il faut enfin faire une mention spéciale aux hématomes sous-duraux sub-aigus ou chroniques qui donnent d’assez bons résultats quand ils sont opérés à temps .
L’hématome sub-aigu a le plus souvent été hospitalisé peu après l’accident ; il est donc suivi par les médecins et traité au moment opportun ce qui ne veut pas dire qu’un bon résultat soit assuré à chaque fois et notamment quand il est associé à un foyer de contusion cérébrale .
L’hématome sous-dural chronique est assez particulier : les signes surviennent quelques jours ou quelques semaines après l’accident initial. Ce dernier est souvent un traumatisme bénin passé plus ou moins inaperçu (surtout chez une personne seule !). Le saignement intra-crânien se faisant de façon insidieuse, les signes n’apparaissent que quand l’hématome a atteint un volume suffisant pour provoquer une hypertension intra-crânienne. Il peut s’agir de maux de tête inhabituels, de troubles déficitaires (difficulté à mobiliser un membre par ailleurs non douloureux) ou d’un tableau de désorientation évoquant un début de démence ou une dépression. La notion de chute ou de choc crânien oriente bien sûr le diagnostic mais elle peut avoir été oubliée ; l’essentiel est en fait d’y penser au contact d’un proche ou d’un voisin âgé « qui n’est pas comme d’habitude ». Le scanner assurera facilement le diagnostic et la chirurgie un résultat satisfaisant si elle n’est pas entreprise trop tardivement.
LE PARCOURS DE SOINS
Tout patient âgé de 65 ans ou plus et victime d’un TC devrait pouvoir bénéficier d’un scanner dans les 4 à 8h suivant l’accident quelque soit la gravité apparente de ce dernier . Chez les patients sous anticoagulants il est souvent conseillé de le renouveler le lendemain pour dépister un possible hématome sous-dural sub-aigu encore non visible sur le premier scanner.
Le score de Glasgow a la même valeur pronostique que chez l’adulte plus jeune à condition que la PA ne souffre pas déjà de problèmes neurologiques chroniques et notamment cérébraux.
S’ il est décidé de traiter activement, ce traitement doit être entrepris le plus vite possible et dans les mêmes conditions que chez l’adulte jeune. Dans l’aide à cette décision il est souvent utile de demander l’avis d’un gériatre pour en argumenter le bien -fondé.
Au sortir de la « réanimation-neurochirurgie éventuelle » et après l’éveil le patient devrait être confié idéalement à un service de rééducation (SMPR) et c’est souvent là que « le bas blesse » car ces services sont insuffisants par le nombre de lits disponibles et privilégient naturellement les TC plus jeunes ! Quand les places ne sont pas disponibles on peut envisager une hospitalisation en SSR gériatrique qui reste une très bonne solution. Sinon force est de recourir à la rééducation à domicile ce qui nécessite quand même une grosse organisation et peut s’avérer tout à fait impossible. Dans ces cas il faut envisager la rééducation en USLD (unité de soins de longue durée) ou en EHPAD (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes).
NB : les patients avec troubles de la déglutition ou troubles du comportement sont en général refusés dans les EHPAD.
PARTICULARITÉS DE L’INDEMNISATION
C’est la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) qui fixe les conditions d’indemnisation et d’orientation finale en cas de séquelles.
Si l’accident à eu lieu à 60 ans et plus, l’APA remplace l’AAH (voir indemnisation) pour les conditions de ressource ; la PCH (prestation de compensation du handicap, aide par tierce personne notamment) est fixée par la CDAPH de la MDPH (voir ces termes dans Lexique des sigles et mots spécialisés ).
Il est cependant souvent utile de consulter un avocat spécialisé qui « décortiquera » votre assurance en responsabilité civile car vous avez peut-être des couvertures que vous ignorez .
Mais s’il s’agit d’un accident de la circulation ou si la chute ou le choc à la tête peuvent relever de la responsabilité d’un tiers vous êtes en droit de rentrer dans le cadre d’une indemnisation par voie judiciaire qui peut aboutir à une réparation intégrale ; l’avis d’un avocat spécialisé est alors obligatoire (voir Droits et Indemnisation).
CONCLUSION
Le traumatisme crânien de la PA est en train de devenir un problème de santé publique dans les pays développés en raison de l’accroissement du nombre de personnes âgées. Si le pronostic du TC de la PA de moins de 75 ans et en bonne santé n’est pas très différent de celui de l’adulte jeune il en va tout autrement pour les personnes plus âgées et d’autant plus quand elles sont atteintes de poly-pathologies ou trop poly-médicamentées. C’est sans doute sur ce point que la prévention doit faire un effort car une chute n’est jamais anodine chez une personne âgée fragile ; même peu grave elle peut faire passer très rapidement une personne âgée de l’autonomie à la dépendance voire au décès.