AFTC, AFTC Gironde, Traumatisme crânien, Cérébrolésion, Documentation technique, Documentation pratique, Contact, Accompagnement, Nouvelle Aquitaine, Sud-Ouest, Dispositifs, Droits, Prévention...

Coma – Éveil – Reprise de conscience

Le coma n’est pas systématique dans les antécédents d’une cérébrolésion ; il est cependant très fréquent quand la cause de cette dernière a été un tant soit peu brutale ou sévère ; il peut se rencontrer dans toutes les pathologies énumérées aux différents chapitres développés dans les pages précédentes bien que le mode de production et le facteur pronostic puissent être très différents : ainsi un coma post-AVC apparaît en général après un AVC grave et étendu alors qu’un coma post-traumatisme crânien peut se voir pour des lésions limitées après un choc d’apparence modérée.

Il est impossible ici de rentrer dans les détails de ces différentes causes ; seront décrits dans cette page surtout le coma et les suites du coma du traumatisme crânien dont les variétés d’expression peuvent servir de base à la compréhension de tous les autres.

Le coma (dit couramment perte de connaissance ou perte de conscience) peut être :

  • immédiat ou retardé par rapport à la cause responsable ;
  • d’installation progressive ou brutale
  • incomplet ou complet
  • de durée courte ou prolongée.

A la sortie du coma le sujet ouvre les yeux : c’est le moment de l’éveil mais celui-ci ne correspond pas forcément – et à vrai dire rarement – à la reprise de la conscience le plus souvent décalée par rapport à l’éveil et en tout cas très éloignée – hélas ! – des reprises de conscience des films de cinéma.

Enfin cette reprise de la conscience ne se fera que très rarement d’un bloc ; elle passe par des paliers successifs qui conduiront ou non à la reprise complète de la conscience suivant la gravité de la lésion initiale.

Ces trois phases vont être décrites avec plus de détails dans les paragraphes suivants sans prétendre à une exhaustivité complète tant les cas particuliers sont nombreux ; la ligne générale reste cependant assez constante.

Plan :

  • Coma
    • Profondeur du coma
    • Causes du coma
    • Évolution du coma
    • Facteurs pronostiques du coma
    • Surveillance et traitements pendant la période de coma
    • La famille pendant le coma d’un proche
    • Le coma dépassé
  • Éveil
  • Reprise de conscience
    • La phase végétative
    • La phase d’état de conscience réactive
    • La première manifestation relationnelle
    • La reprise de conscience de soi

Coma

Le coma correspond donc à la phase de perte de conscience qui suit l’agression cérébrale ; cette perte de conscience peut être très légère (simple phase d’obnubilation, le sujet ne paraissant plus en phase avec l’entourage) ou complète pendant laquelle le sujet gît étendu, les yeux fermés ; sa respiration est présente (normale, accélérée ou ralentie) : le blessé peut donc paraître dormir mais il n’est pas « réveillable » quelques soient les stimulations tentées.

Profondeur du coma : Échelle de Glasgow (GCS)

Entre les deux extrêmes précités il existe de nombreuses profondeurs de coma dont la détermination est l’affaire des médecins qui vont prendre en charge le blessé. Autrefois ces derniers parlaient de :

  • coma vigil (ou coma léger de stade 1);
  • coma proprement dit (de stade 2);
  • de coma carus (ou profond de stade 3).

Cette classification un peu simpliste n’a plus cours actuellement ; Elle a été remplacée par l’échelle de Glasgow (du nom de la ville écossaise dans laquelle deux médecins spécialistes l’ont élaborée). Elle est simple et fiable et elle a finalement été adoptée par la plupart des médecins. Elle repose sur 3 séries d’item qui évaluent.

  • l’ouverture des yeux (4 points), de
    • spontanée,
    • à la commande verbale,
    • à la douleur,
    • à aucune
  • la réponse motrice (6 points) de réponse de
    • ordre verbal,
    • orientée à la douleur,
    • non orientée à la douleur,
    • décortication,
    • décérébration,
    • à aucune
  • la réponse verbale (5 points) de réponse à une question simple
    • orientée, appropriée
    • confuse
    • incohérente
    • incompréhensible
    • à aucune

Le » Glasgow » (GCS) est coté : quand tout est normal à 15, quand tout est négatif à 3.
le chiffre 15 correspond donc à un état de conscience normale, le chiffre 8 à un coma léger (dit autrefois vigil), le chiffre 3 à un coma profond…

Références :
Société Française de Médecine d’Urgence Score de Glasgow
Société Française d’Anesthésie Réanimation

Enfin est apparue aussi la notion de coma dépassé qui ne doit pas être confondu avec le coma profond. Il correspond en effet à la mort du cerveau dont il sera question plus loin et il n’entre pas dans la classification de Glasgow.

Il est important d’expliquer cette échelle et ce qui peut perturber son interprétation. En effet de nombreuses sources d’information apprennent assez vite aux familles que le pronostic de leur blessé est lié à la profondeur du coma (les TC sévères étant classés dans l’échelle de Glasgow entre 3 et 8).

Si cette estimation est globalement juste elle est cependant souvent prise en défaut et cela pour de nombreuses raisons : on comprendra facilement qu’un blessé choqué par la gravité de l’accident ou ayant perdu beaucoup de sang, par exemple, voit son fonctionnement cérébral altéré non forcément par les lésions cérébrales mais aussi par une chute de la tension artérielle qui abaisse momentanément la circulation artérielle cérébrale ; une remontée de celle-ci peut faire émerger rapidement l’état de conscience du blessé.

Dans un autre ordre d’idée il peut être nécessaire de sédater (endormir partiellement) un patient pour lui faire supporter une sonde d’intubation nécessitée par des troubles respiratoires et souvent sur les lieux même de l’accident : cette sédation abaisse forcément l’état de conscience.

Par ailleurs il est maintenant courant de faire bénéficier les cérébrolésés graves du » coma artificiel » (il s’agit en fait d’une anesthésie qui est censée protéger le cerveau des agressions extérieures dans les premiers jours et quelquefois au delà) ; il est certain qu’un tel blessé parait en « Glasgow » 3 mais ce ne serait pas forcément le chiffre qu’il aurait si on le réveillait (or seul ce chiffre a une réelle valeur).

D’où la nécessité d’interroger les médecins pour faire interpréter la valeur de ce chiffre quelquefois donné trop rapidement.

Et s’il est indiscutable il ne faut pas non plus s’obnubiler sur lui au départ car des évolutions positives d’un Glasgow apparemment très bas initialement restent tout à fait possibles.

Enfin le » Glasgow » (GCS) est inutilisable chez l’enfant.

En fait le « Glasgow » est surtout pour les médecins un excellent outil de surveillance permettant de juger de façon très objective l’aggravation ou l’amélioration du coma ; heure par heure au début puis jour après jour par la suite (sauf si le patient doit être laissé en coma artificiel). Si bien que d’autre facteurs de pronostic ont été élaborés pour tenter une évaluation plus fiable (voir plus loin).

Causes du coma

Il ne sera ici question que du coma profond, la simple obnubilation ne posant pas les mêmes problèmes surtout quand elle est rapidement et définitivement régressive (voir TC légers).

Le coma proprement dit relève de nombreuses causes, souvent intriquées, et notamment dans le traumatisme crânien les éléments suivants s’additionnent :

  • les lésions cérébrales provoquées par le traumatisme sont évidemment le mécanisme essentiel : contusions, hématomes intracérébraux, lésions axonales diffuses (voir TC sévères).
  • l’hypertension intracrânienne liée à une augmentation du contenu de la boite crânienne par du sang (hématomes divers) et/ou un œdème cérébral ; dans ces cas l’apparition du coma est souvent retardée par rapport à l’accident, le temps que la croissance de l’hématome ou/et de l’œdème vienne à comprimer le cerveau dans cet espace inextensible.
  • les perturbations de l’irrigation du cerveau liées aux lésions et à l’hypertension intracrânienne (bien que moins déterminantes que dans l’AVC ischémique où elles constituent le point de départ du coma).
  • de nombreux autres facteurs sont possibles et ne peuvent être détaillés ici. Ils ont cependant une importance majeure pour les réanimateurs dans la mesure où leur contrôle peut permettre de stopper, puis d’enrayer l’aggravation du coma.

Évolution du coma

Si le coma n’est pas entretenu par un coma artificiel (coma non sédaté) sa durée est éminemment variable mais il dure exceptionnellement au delà de 1 mois ; par contre il peut être très court (de quelques minutes à quelques heures) ce qui est en principe de très bon pronostic.

Comme dit plus haut le coma prend fin lors de l’ouverture des yeux qui définit le début de la période d’éveil.

Il y a bien sur une relation entre la durée du coma (non sédaté) et la gravité des lésions cérébrales et donc du pronostic ; mais là encore, comme avec le GCS il y a de nombreuses exceptions.

On tiendra pour beaucoup plus significative la durée de l’amnésie post-traumatique (APT) qui s’étend du premier jour du coma au jour où le sujet, ayant repris connaissance, commence à se souvenir de façon fiable des événements du jour passé ; mais la durée de celle-ci ne peut, par définition, être connue pendant la période de coma.

Si le patient a été mis sous coma artificiel la durée de ce dernier n’a aucune indication pronostique ; il est maintenu le temps voulu par les réanimateurs pour protéger le cerveau. Bien entendu cette prolongation indique quand même que les lésions sont vraisemblablement sévères même si d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte.

Facteurs pronostiques pendant le coma

Nous avons vu que le GCS initial n’était pas un facteur déterminant du pronostic ; il l’est davantage au fil des jours à la condition que le patient ne soit pas sous coma artificiel (et il l’est maintenant souvent !). Les médecins doivent donc recourir à d’autres examens pour se faire une idée de la gravité des lésions et donc du pronostic :

  • D’abord le pronostic vital est toujours engagé lors d’un coma profond, non par le coma lui-même mais par les lésions qui ont conduit au coma et qui peuvent continuer à s’aggraver malgré les traitements mis en place. Par ailleurs et surtout dans les accidents de la circulation des lésions d’autres organes peuvent menacer le pronostic vital ; 30% des TC sévères ne survivent pas à leurs blessures.
  • Puis les médecins doivent essayer d’évaluer le pronostic fonctionnel ce qui pose l’immense problème des séquelles futures et de la qualité de vie lointaine du blessé. Ce sujet doit être abordé car les familles sont souvent décontenancées quand les réanimateurs particulièrement inquiets de l’état du patient et projetant la forte probabilité d’une très grande dépendance (voir États EVC -EPR) commencent à demander leur avis (et celui qu’ils pourraient connaitre de leur blessé) au cas où une telle situation se concrétiserait.
    C’est en effet pendant cette phase de coma que le problème se pose le plus souvent : faut-il continuer à réanimer alors que le pronostic fonctionnel est extrêmement sombre ?
    Ce que les familles ont du mal à admettre (et cela est tellement légitime !) c’est que ces questions leurs soient posées justement à ce moment là, alors qu’elles sont dans la seule attente de savoir si leur blessé va survivre ou non. Ce décalage entre le temps médical et le temps familial peut poser de grosses tensions avec les médecins pour peu que les mots aient été mal choisis ou mal interprétés. Or il faut comprendre que c’est seulement à ce moment là que les médecins peuvent faire valoir la notion » d’acharnement thérapeutique ».
    Après quand le patient aura passé le » cap vital » , quand la réanimation ne sera plus utile et aura fait son office de » sauver un corps » le problème de la survie en état végétatif (rare) ou de la vie en état pauci-relationnel (plus fréquent) peut poser des problèmes extrêmement complexes et ce qui est acceptable pour certains peut ne pas l’être pour d’autres !
    Et si la famille suit en fin de compte l’avis des médecins (c’est à dire estime, elle-aussi, que des séquelles très lourdes ne sont pas acceptables) il peut lui être proposé une demande de prélèvement d’organe (surtout chez un sujet jeune).
    Il faut savoir que la loi en France ( voir « Don d’organe » ) autorise systématiquement ce prélèvement sauf si le patient a exprimé son désaccord auparavant de façon claire et de préférence par écrit. Mais cette législation est rarement appliquée de cette façon par les médecins en cas de désaccord de la famille ; ce qui explique que son avis est le plus souvent sollicité. Mais cette demande peut encore aggraver sa douleur.
    Il faut cependant savoir que les médecins ne font là que leur devoir (combien difficile aussi !) tant est grande la pénurie et l’attente des malades dans ce
    domaine.
  • Facteurs d’évolution défavorable
    • facteurs cliniques :
      – non réactivité ou inégalité des pupilles associées au coma
      – état de choc persistant du à la gravité de l’accident (exemple : association à des lésions viscérales graves).
      – âge du blessé ; plus il est élevé, plus le pronostic est défavorable.
    • facteurs radiologiques :
      et tout particulièrement les données de l’IRM quand l’examen peut être réalisé (c’est à dire rarement dans les tout premiers jours) : notamment la découverte de lésions de la base du cerveau (noyaux gris de la base) et de lésions du tronc cérébral est de mauvais pronostic.
    • facteurs électrophysiologiques (potentiels évoqués) :
      ils consistent à enregistrer l’arrivée d’ondes électriques au niveau du cerveau à la suite de stimulations sensitives ou sensorielles (auditives notamment). Ce type d’enregistrement tente de détecter une réponse cérébrale évocatrice d’un début de perception infra-consciente ; cette réponse est surtout évocatrice d’un éveil proche ce qui ne préjuge pas du pronostic à long terme.
      NB : En 2017 vient d’être proposée une technique d’exploration qui parait prometteuse : à savoir l’enregistrement des modifications du rythme cardiaque lors de stimulations auditives régulières, puis inhabituelles et aléatoires.
    • facteurs génétiques : on a découvert assez récemment que la récupération fonctionnelle du cerveau était différente selon que le traumatisé crânien possédait ou non un bon gène favorisant la production de matériaux cellulaires de qualité pour les neurones endommagés.
    • l’évolution de la pression intra-crânienne
      (voir Soins d’urgence du traumatisme crânien)

Surveillance et traitements pendant la période de coma

voir Soins d’urgence du traumatisme crânien.

La famille pendant le coma d’un proche

La famille se demande souvent quelle doit être son attitude pendant la période de coma. Il est important de préciser que pendant cette période le sujet est totalement inconscient et qu’il n’en gardera aucun souvenir.
Est-ce autant que l’on peut tout dire devant lui ?
Sûrement pas et pour deux raisons essentielles : le coma peut s’alléger à certains moments surtout lorsqu’il s’agit d’un coma artificiel et il est important qu’aucun jugement défavorable ne puisse se frayer le moindre cheminement vers sa conscience ; le patient peut aussi être en sortie de coma (c’est à dire près de la phase d’éveil) et pour les mêmes raisons il faut s’abstenir de toute parole déplacée.

A l’inverse la famille peut-elle apporter des paroles ou des gestes réconfortants au patient dans le coma ?
La réponse est oui ; la plupart du temps il n’en aura aucune conscience mais s’il se trouve dans un état limite comme rapporté plus haut cela ne peut qu’aller dans le bon sens ; ces paroles apaisantes ou ces actes (prendre la main ; passer la main sur le front, l’embrasser etc… et à condition qu’ils soient autorisés par l’équipe soignante) sont souvent plus bénéfiques pour la famille que pour le blessé lui-même : alors pourquoi pas ?
Dans ces situations il importe de rester discret et de ne pas trop en faire pour ne pas fatiguer inutilement le blessé.

Le coma dépassé

Le coma dépassé doit être formellement différencié du coma même le plus profond ainsi que de l’état végétatif avec lequel il est parfois confondu (voir États végétatif chronique – État pauci-relationnel (EVC-EPR)).

Le coma dépassé est depuis 1959 la nouvelle définition de la mort lorsque l’on s’est aperçu que la réanimation pouvait permettre aux poumons et au cœur de continuer de fonctionner alors que les fonctions cérébrales et les fonctions végétatives sont abolies : de la sorte l’ensemble cœur-poumons ne fonctionne plus qu’artificiellement et le cerveau est détruit par perte de sa vascularisation.

Une telle définition est maintenant admise universellement. Encore faut-il prouver de façon absolue que ce coma est bien dépassé pour n’avoir d’autre alternative que de mettre fin à la « réanimation » ou de la poursuivre dans la perspective de procéder à des prélèvements d’organes devenus licites en France en l’absence de refus préalable du patient avec toutes les nuances vues plus haut.

La situation est ici moins difficile à gérer, car à l’inverse du cas d’un sujet dans le coma au pronostic a priori catastrophique mais néanmoins incertain, le pronostic du coma dépassé est celui d’une mort inéluctable dans les heures ou les jours qui suivent (exceptionnellement au delà d’une semaine).

Par contre le moment de ce décès définitif est imprévu et il est capital que les prélèvements d’organes soient faits tant que ces derniers sont encore vascularisés (c’est à dire tant que le cœur fonctionne encore). Depuis peu de temps cependant il devient possible de prélever certains organes chez un donneur juste décédé. Les critères du coma dépassé sont indiscutables ; ils sont cliniques, électroencéphalographiques (le classique EEG plat) et radiologiques ; c’est l’affaire des
médecins en charge du patient.

Reste pour les familles l’immense douleur de devoir abandonner un proche qui paraît encore bien vivant grâce au jeu des »machines » mais dont le cœur et la respiration s’arrêteront spontanément dès qu’elles seront retirées.

L’éveil

L’éveil est une phase très courte caractérisée par l’ouverture des yeux et l’installation d’un rythme veille-sommeil qui signe la fin du coma.

Pour rassurant que soit cet éveil il signifie seulement la réapparition des influx activateurs de la substance réticulée du tronc cérébral et non la remise en route du cerveau lui-même ; c’est un préalable indispensable à cette dernière (comme si le disjoncteur était rétabli) mais ce n’est pas obligatoirement la reprise de la conscience (l’allumage des lampes !).

En fait la durée intermédiaire entre l’éveil et la reprise de la conscience dépend énormément de la durée du coma. Si ce dernier a été très court la conscience peut émerger immédiatement après l’éveil témoignant évidemment d’un traumatisme à priori de bon pronostic. Par contre quand le coma a été prolongé, l’espace éveil-reprise de conscience est beaucoup plus long, témoignant d’un traumatisme plus grave souvent porteur de séquelles comme il est décrit au x chapitres suivants (voir « Séquelles physiques du traumatisme crânien » , « Séquelles invisibles du traumatisme crânien »).

La reprise de conscience

La phase de reprise de la conscience est encore souvent appelée phase d’éveil ce qui brouille un peu les notions d’éveil et de reprise de conscience. Nous emploierons donc autant que possible le terme de reprise de conscience réservant le terme d’éveil à l’ouverture des yeux comme vu plus haut. Par ailleurs il sera ici seulement question des cas où le délai éveil-reprise de conscience est prolongée et qui posent tant de questions angoissantes aux familles.

Cette reprise de conscience évolue schématiquement en 4 phases :

  • La phase végétative
  • La phase d’état de conscience réactive
  • La première manifestation relationnelle
  • La reprise de conscience de soi

Il s’agit là d’une description théorique en raison de la fréquente interpénétration de ces phases ainsi qu’à des retours en arrière mais qui montre que la conscience normale (c’est à dire la conscience de soi) n’est pas atteinte dés l’ouverture des yeux, en tout cas pas dans le TC grave.

La phase végétative
se caractérise par un éveil retrouvé mais par l’absence de conscience : le sujet a des cycles de veille-sommeil. En période de veille il a les yeux ouverts mais il ne répond à aucune sollicitation ; seuls fonctionnent spontanément les viscères de la vie végétative (cœur, poumons, reins etc…) d’où le nom de phase végétative ; le sujet a seulement besoin d’être alimenté et hydraté.

La phase d’état de conscience réactive
commence quand le patient répond par une réaction sinon parfaitement appropriée, du moins régulière à un ordre simple : par exemple « Ouvrez les yeux » , « Serrez ma main », etc… Pendant cette phase les réactions vont s’enrichir progressivement en quantité et en qualité jusqu’à ce qu’apparaisse …

La première manifestation relationnelle
indiquant que le patient a pris conscience qu’il a auprès de lui un interlocuteur et qu’il le comprend : exemple à la question « Avez-vous mal ? » le patient répond par oui ou par non ou par un code convenu avec l’entourage s’il ne peut pas encore parler ; puis les relations s’enrichissent jusqu’à ce que….

Le sujet prenne réellement conscience de sa situation
de la gravité de son accident et de ses limitations liées à telles ou telles incapacités ; cette reprise de conscience de soi est souvent un moment douloureux qui sera abordé dans une page différente. Elle constitue cependant le gage d’une « rééducation investie » qui est la seule susceptible d’ouvrir le champ à de réels progrès (voir La rééducation).

Ces différentes étapes sont traversées très différemment selon les cas tant en rapidité qu’en régularité, affect et niveau de récupération. Il est possible de dire que rapidité de traversée, régularité et calme, sont de puissants facteurs de récupération complète. À l’inverse, lenteur avec retours en arrière et agitation, invitent à penser qu’une récupération incomplète sera vraisemblable même si des évolutions secondaires, éventuellement très différées restent toujours possibles.

Par ailleurs les progrès souvent rapides au début tendent à se ralentir par la suite ce qui peut revêtir un caractère inquiétant pour les familles : c’est une quasi-constante qui ne doit pas alarmer particulièrement bien que des progrès déjà lents et qui ont tendance à se ralentir encore davantage indiquent souvent que la récupération complète ne sera pas acquise.

Dans les cas les plus graves, heureusement rares, le blessé peut rester bloqué à la phase végétative (exceptionnelle dans le TC) ou de conscience réactive (moins rare) : voir États EVC-EPR.

Par contre la régression de l’état de conscience doit toujours inquiéter ; elle peut-être de l’ordre physique ou psychologique :

  • Une complication somatique
    doit être recherchée en première intention justifiant une intervention thérapeutique d’utilité indiscutable : parmi celles possibles on peut citer parmi les plus fréquentes :

    • une hypertension intracrânienne secondaire liée à l’accumulation de liquide céphalo-rachidien bloqué dans son écoulement par des adhérences méningées succédant à une hémorragie dans ces territoires et nécessitant une ponction ou une dérivation ;
    • un inconfort ou une douleur non communicable : du développement d’un para-ostéome (voir Séquelles physiques du TC) à une banale infection (ongle incarné !) ;
    • une importante spasticité précoce (voir Soins TC sévères) qui est souvent un facteur de retard d’évolution et qui peut justifier un traitement spécifique.
  • Sur le plan psychologique
    certaines régressions ou stagnations peuvent être en rapport avec un blocage relationnel vis à vis de l’équipe soignante attribuable à la souffrance psychologique (vécu de morcellement psychique, angoisse entraînant agitation voire agressivité, rêves traumatisants, dépression, régression témoignant d’un besoin de maternage sans rapport avec l’âge du blessé). La prise en charge de ces phases de retour de conscience est à la fois médicale et familiale
  • Sur le plan médical
    l’accompagnement du blessé consiste bien sur à traiter des pathologies résiduelles encore très fréquentes : encombrements et/ou infections respiratoires toujours présentes, soins de trachéotomie, orages neuro-végétatifs quelquefois impressionnants, spasticité, tendance à certaines attitudes vicieuses au niveau des membres ou lésions cutanées favorisées par le décubitus etc … mais aussi accompagnement psychologique par la qualité des soins de nursing qui permettent à l’équipe soignante d’entrer le plus directement possible dans l’affect du blessé. La douceur des gestes et des paroles, leurs caractères orientés vers le psychisme du blessé est reconnu maintenant comme essentiel à la reprise de conscience.
  • Sur le plan familial
    il faut insister sur le rôle capital que joue la famille à ce stade à l’inverse de la période de coma ; en effet elle renseigne l’équipe soignante sur l’histoire du blessé, ses hobbys, ses goûts, sa sensibilité etc … que celle-là pourra intégrer dans sa pratique soignante. Cette personnalisation des stimulations paraît beaucoup plus efficace que des stimulations multisensorielles permanentes et affectivement neutres préconisées à une certaine époque et qui avaient le gros inconvénient de fatiguer des personnes particulièrement fatigables. Les soignants demanderont souvent aux familles d’apporter des objets familiers au blessé (CD, photos etc …) qui lui permettent de rentrer en contact avec sa vie antérieure et de favoriser le retour de sa conscience. Si la participation de la famille est hautement souhaitable à ce stade il faut aussi qu’elle sache, dans la mesure du possible, se protéger d’un investissement excessif qui peut la conduire à l’épuisement physique et psychologique.
    En effet s’engage maintenant une épreuve de longue haleine et pour « tenir le coup » au mieux il faut qu’elle accepte de se faire aider (les psychologues du service sont aussi là pour ça !) tout en gardant une vie sociale indispensable à son équilibre.

On ne saurait trop recommander : le livre de M. LECLERCQ : « Le traumatisme crânien, guide à l’usage des proches » Ed. Solal qui passe en revue la majorité des affects familiaux rencontrés à ce stade, le livre du Pr F. COHADON « Sortir du coma » Ed.Odile Jacob pour mieux comprendre le coma et ses suites…

Éditorialiste
Dr François PERNOT

Médecin Chirurgie Générale retraité

Lecture(s) : 2 807